100 ans : le Tennis Club de Reims franchit un cap vers un 2e Centenaire en avançant sur des flots un peu incertains et en « fluctuant » comme dit la devise de la Ville (de Paris)

C’est un peu long à lire mais c’est nécessaire de consigner pour tout le monde un résumé de l’ histoire récente et de la situation patrimoniale du Tennis Club. J-J Valette, TCR et collectif de recherche Rha (Reimshistoirearchéologie) (18-21juin). Et c’est aussi une forme d’archéologie comme toute « enquête » (historia, en gréco-latin) qui fait voyager dans l’espace et temps et s’approprier sa ville, c’est le but de cette notice.

Image de désolation après 14-18 : l’entrée du boulevard Pasteur pendant la construction du club début 1922. Au fond, le hall de tennis de Redont, premier construit. (Fonds Morgan, M.N. Franco-Américain, Blérancourt, 02)

Un détail d’une nouvelle carte rémoise officielle pour la protection du patrimoine urbain (un SPR : Site Patrimonial Remarquable) pourrait donner une image un peu désolante de la protection du club par les services de l’État et de la Ville de Reims. Les membres du TCR en particulier pourraient considérer que leur club et son site jouent de malchance.

Toute carte a des inconvénients pour représenter et limiter un espace et une situation mais c’est un outil public qui est un symbole pour les usagers, les “cartographiés”, ici les membres du TCR et ceux qui s’intéressent au tennis et à leur ville…

Dans le cas du club, cette belle carte du SPR, mise en ligne sur le site de la Ville de Reims et montrée dans l’article de L’Union du mercredi 10 juin, symbolise, en l’état, une double peine pour le TCReims :

détail d’un plan municipal vers 1855 : le rempart et le fossé de la fortification (1 et 2), le “boulevard extérieur” (3) aujourd’hui boulevard Pasteur depuis 1923 (avant : Gerbert). Les propriétés Luzzani (5) : Magasins Généraux et le “parc Luzzani”, futur TCReims (1920-21-23)

1er inconvénient : être un site (encore 1 hectare dans l’ilot) juste en bordure extérieure du “centre-ville” tel qu’il est un peu trop facile de le définir par le tracé de l’ancien “boulevard extérieur” de la fortification de la guerre de Cent Ans, tracé devenu, aujourd’hui et depuis 1850, les boulevards de la Paix, Pasteur et H. Vasnier ; voir plus bas cet ensemble sur un détail du plan SPR, d’Aristide Briand, la place, à Drouet d’Erlon, la statue

2e inconvénient, plus technocratique : les pratiques de protection d’un “Monument Historique” (ici notre piscine Art Déco, Inscrite MH) amènent à empêcher une “double protection”… La piscine est “inscrite” depuis 2001, elle est donc entourée d’un large et traditionnel périmètre circulaire de protection englobant au moins le site (cercle théorique de 500 mètres de rayon, trop large pour ne pas prêter à interprétation, etc.). Pour éviter les potentielles complications de protection (et de subvention ?) entre l’État et une collectivité, il n’y a donc pas de double protection possible, semble-t-il ; cependant, au “centre-ville” de Reims, il y plein de doubles protections mais ça ne se voit pas ! car il y aurait trop de périmètres MH imbriqués à cartographier dans le SPR…

Sur la carte du SPR Rémois et dans le cas du TCR, le résultat, un peu frappant, consiste à éviter soigneusement d’ inclure dans l’espace du SPR la grande parcelle de l’ilot du TCR y compris son entrée historique créée par Redont boulevard Pasteur en 1921-22. La carte qui va faire foi et aussi illustrer la politique patrimoniale de la Ville devient pour le TCR un mauvais symbole ! Et un espace banalisé, sauf pour des initiés aux méandres du “Patrimoine” ou plutôt de “l’Urbanisme”.

D’autant plus que cette nouvelle carte, et c’est un progrès géographique, prend bien en compte les 2 rives des boulevards de la Paix et Pasteur. L’alignement des années 1910 et de la Reconstruction du début Bd Pasteur jusqu’à la rue Lagrive (immeuble Laidebeur, maisons Galloye, Massé et aussi Gruber) est bien inclus dans le SPR… mais pas l’entrée du TCR installée par Redont en 1922, à la place de la grille du “Parc Luzzani”, ravagé par les bombardements allemands de 1918 et acheté en aout 1921 par l’association du nouveau club aux héritiers Luzzani auprès de l’étude notariale Douce et Thiénot.

Dans le cas spécifique du TCR, il ne devrait pas être difficile ou fautif de figurer sur une carte du SPRRémois la parcelle du club avec sa piscine Inscrite MH bénéficiant depuis 2001 de sa protection, qui jouxte le centre ville et le SPR et le prolonge de fait et/ou de droit… mais l’urbanisme ne fait pas de géographie historique.

Détail d’une copie cyano négative (un « bleu » d’architecte du cabinet Jactat), d’un plan du Parc Luzzani (vers 1900-1910) conservée dans des dossiers de dommages de guerre (Tennis-Club et Luzzani, Archives de la Marne, Reims, 10R 456et2207)

Il pourrait s’agir de détails techniques mais s’y ajoute un processus traditionnel : c’est un cabinet parisien d’un architecte spécialisé (un ACMH : architecte en chef des Monuments Historiques) (pas celui du diagnostic de notre piscine Art déco) qui réalise pour la Ville et l’État l’étude préalable qu’il fait faire, en amont, par une mission temporaire de terrain et de documentation. Certes un regard neuf est intéressant sur le Patrimoine d’une ville. A Reims, il est difficile de savoir, plus en aval de l’étude, quel service de la Culture-Patrimoine ou de l’Urbanisme l’emporte et poursuit l’étude pour la finaliser dans les détails où toujours le diable se cache. Bien sûr, il aurait fallu se manifester auprès de l’Enquête publique…

Le TCReims pâtit aussi, depuis longtemps, de ce genre de situation structurelle, entre Sport et Patrimoine et Urbanisme, où le juridique l’emporte sur le culturel ; et l’État ne joue que son rôle technique en attendant la suite… La lettre de la nouvelle loi de 2016 sur le Patrimoine est bien sûr respectée dans le SPR Rémois mais, dans le cas du TCR, pas son esprit : simplifier, valoriser… La politique culturelle et patrimoniale de la Ville de Reims, surtout pour le Mécénat, va déjà dans ce sens mais le TCR n’en profite pas et la Drac Patrimoine Grand Est à Chalons ne semble pas y pouvoir grand chose.

Autre oubli : dans les grandes affiches touristiques de Reims jalonnant récemment la ville, le Tennis Club n’est pas figuré dans le parcours Art déco… parce qu’il n’est pas dans le centre-ville et qu’il est juste de l’autre côté du boulevard. Il aurait pu figurer aussi (relire les noms des mécènes de l’inscription de fondation du club, qui est bien situé dans le quartier originel du champagne !…) dans le parcours “Cité du Champagne” qui, lui, dépasse bien le centre-ville (voir par exemple le n°33, l’hôtel particulier Tassigny devenu Castelnau, cartographié tout près du TCR…). Mais ce trou de mémoire n’est pas trop symptomatique : le Tennis Club va apparaitre dans un panneau touristique du quartier Clemenceau, où la pression immobilière à encore de l’avenir

La piscine vue d’hélicoptère par le photographe et tennisman Franck Poidevin en 2002. Voir son livre : “Reims comme un oiseau“

Il est donc normal que les membres du TCR et d’autres associations, en face de cette ensemble de détails fâcheux et plus ou moins technocratiques, s’inquiètent de l’avenir du club et se demandent comment l’État et la Ville, n’ont pas réussi à surmonter, dans ce cas précis et circonscrit du TCR, ces petits problèmes qui finissent par devenir tout un symbole. Rien d’étonnant que beaucoup de membres du club et de son comité soient devenus pour le moins sceptiques sur les procédures et les aides à solliciter. Ajoutons aussi, il ne faut pas l’oublier, la déception de “l’impossibilité” pour la Ville et la Région Grand Est de participer, au coté de la Drac dans son rôle ici moteur, au tour de table pour le financement du diagnostic nécessaire à une restauration de notre piscine IMH : parce qu’elle est “privée” dans un “club privé”, encore une double peine ; plus précisément elle est une Piscine Privée à Usage Collectif selon Jeunesse et Sports mais est-ce que cette qualification changerait quelque chose à la malchance du club ?

En effet l’historique rétroactif ne s’arrête pas là pour comprendre la fluctuante situation actuelle du club à cause des problèmes patrimoniaux :

En 2015-7, pour le PLU (Plan Local d’Urbanisme), alors que le club s’investissait beaucoup grâce à la Ville dans les Journées Européennes du Patrimoine mais aussi dans un projet de restauration à venir de sa piscine, avec le soutien, théorique, de la Ville et celui, réel, de l’ABF 51 (l’architecte des Bâtiments de France-Marne), le TCR a demandé par courrier et dossier, que le site du club soit reconnu comme un espace sportif un peu remarquable, en plus de sa piscine IMH. Les refus, écrit et en audience, de “L’Urbanisme” de la Ville avaient des motifs peu convaincants (club privé, lieu clos, invisible de l’extérieur…) et oubliaient : que sa propre cartographie de notre bâtiment IMH était imprécise et que notre rangée d’arbres de l’allée y était répertoriée, que le restaurant ouvert à tous accueillait le public depuis toujours, qu’à l’ entrée typique du club, rue Lagrive, d’où le portique de la piscine est visible, une plaque Art Déco avait été apposée par la Ville en 1989 ! Et que le club était un établissement accueillant du public et soumis à réglementation… L’argument de la double protection, impossible, inutile,etc, était déjà avancé et conclusif alors que des avis favorables avaient été émis pour cette reconnaissance du club au PLU ; ce qui aurait aidé à mieux gérer par tous l’épisode suivant toujours en cours…

Dans ce dernier épisode patrimonial, la tendance officielle nationale, économique et écologiste, à la densification de l’habitat urbain est relayée logiquement par la pression immobilière ; cette pression s’est concrétisée aussi depuis 2016 dans le cas d’un projet immobilier “pour sauver” le Tennis Club de Reims, quelle que soit sa motivation initiale, désintéressée ou spéculative. La rue Lagrive est en phase finale d’unification (depuis longtemps, sauf 4 maisons des années 1920 et 1950) mais au nord, de l’autre coté du club, rue De François, il reste encore beaucoup de place pour démolir petit et reconstruire grand. Réaliser une opération immobilière pour financer la trop lourde restauration de la piscine et la modernisation du club ? grâce seulement à l’Etat et à un mécénat à promouvoir mais concurrentiel (la Ville de Reims le pratique déjà beaucoup et avec un succès reconnu pour son propre patrimoine) ? Pourquoi pas ? mais comment et avec qui ? Le TCR, pour sa création puis en 1955 puis en 2006-10 a déjà réalisé et maitrisé en interne ce type d’opérations qui se sont bien insérées dans le paysage et la vie du club.

Ce n’est plus le cas. Les promoteurs, à l’extérieur et à l’intérieur du club, de cette solution qui méritait, de nos jours et comme partout ailleurs pour ce genre de projet, une large et longue étape préparatoire sur des bases communes, ont enclenché un processus trop juridico-financier sans se soucier d’autres dimensions collectives et historiques (sauf pour instrumentaliser dans un sens ou l’autre le “risque archéologique”, réel comme partout mais qui n’est pas à agiter pour faire peur…)

Il est trop tôt pour faire de l’histoire immédiate et ça serait long mais ce processus pseudo-techno a créé un Malaise dans l’association, malaise provoqué par un calendrier expéditif et aussi par le sentiment patrimonial général s’ancrant depuis les années 1980 et que les JEP illustrent de plus en plus. Et les trois projets “à choisir” ont donc été ajournés sine die de fait, la presse locale se faisant l’écho d’une réunion, restée sans la suite promise par ses organisateurs. Le confinement-déconfinement et ses problèmes pour les clubs sportifs et les associations, et la notre en particulier, ne facilite pas la situation et le fonctionnement du club.

La continuité réussie et bien fonctionnelle entre le club-house et les courts Schneiter qui n’existerait plus avec leur remplacement par un immeuble à terrasses en attendant le toboggan géant pour l’accès direct à la piscine Art déco.

Pour finir et illustrer cette situation désolante dont on vient de voir quelques causes : le projet immobilier qui a la cote et est proposé par un organisme logeur rémois consiste à construire un bel immeuble facile à faire en se contentant de démolir les courts André Schneiter (courts couverts reconstruits par Jacques Herbé en 1956 pour remplacer ceux de Redont après des dégâts entre 1940 et 1946). Les promoteurs de cette solution considèrent ce hall Herbé comme sans intérêt : ni patrimonial, ni fonctionnel ni améliorable et ne posant pas de problème de périmètre de protection par les Monuments historiques…

Encore un Effort pour ce projet et il y aura un toboggan permettant d’accéder directement des terrasses au club-house ou pourquoi pas dans la piscine sauvée des eaux et restaurée grâce à cette belle opération.

La devise complète de Paris s’applique bien au TCR à l’entrée de son Centenaire : FLUCTUAT NEC MERGITUR… il est ballotté par les flots mais ne coule pas. Traduire la forme passive mergitur par “ne sera pas coulé” serait un abus de traduction.

On compte sur tous nos partenaires pour franchir quelques caps : les services de l’état, la Ville de Reims aussi bien pour le Sport que pour le Patrimoine et la politique urbaine (lire L’Union de samedi 20 pour l’interview du maire de Reims), la Fédération Française de Tennis, etc.

Prochaines routes et prochains ports :

— Les Journées Européennes du Patrimoine au TCR, JEP 2020, v 18, s et d 19 et 20 septembre dont le thème est en gros : le Patrimoine, l’apprendre pour la vie, patrimoine et éducation… Comme le TCR est un lieu de vie apprécié, c’est un beau programme. Le vendredi pour les enfants et le week-end pour les grands. Occasion aussi de mieux expliquer, avec de nouveaux outils de communication, notre recours indispensable au Mécénat pour moderniser le club.

En janvier 2021, Centenaire des premiers statuts de l’association du TCR ; Septembre 2023 : centenaire de l’inauguration du club et de sa piscine

Notice terminée le 21 juin 2020 n° 41 – JJ Valette, collectif Rha et TCR

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